Prison d'Angola
Je suis allée visiter la prison d'Angola samedi dernier. 5,000 prisonniers, 1,500 gardiens, un territoire immense sur lequel sont dispersés différents quartiers, et sur lequel les prisonniers cultivent et élèvent des animaux afin d'être autosuffisants. La visite sera peut être un peu longue à votre goût mais elle était trop courte pour moi...

On nous fait ensuite visiter les cuisines du quartier de haute sécurité, en nous expliquant comment les moindres ustensiles sont comptés chaque jour: balais, cuillères, et même la levure qui pourrait être utilisée pour se rendre malade. Contrairement à ce à quoi je pouvais m'attendre, je trouve que les conditions d'hygiène sont très correctes.
Puis nous reprenons le bus pour nous rendre vers le quartier général de la prison. On passe devant l'enceinte du rodéo auquel j'avais assisté en octobre. On arrive enfin au quartier général, ici sont enfermés des prisonniers avec de lourdes condamnations mais dont le comportement est correct. A Angola, la plupart des prisonniers sont condamnés à vie (durée moyenne des peines: 88 ans), et les rares personnes qui ont des peines inférieures sont arrivées à Angola en raison de leur mauvais comportement dans une autre prison. Sur 100 prisonniers qui arrivent, seulement 10 peuvent espérer sortir un jour vivant de Angola. Voilà, le décor est planté, et le guide aura beau nous vanter à tort et à travers les vertues de leur programme de réhabilitation, j'ai du mal à y croire, en sachant que ces prisonniers n'auront jamais la chance de retourner chez eux.

Nous sommes ensuite guidés vers la bibliothèque de droit. Pour moi, le moment le plus fort de cette visite. Nous avons la chance de pouvoir discuter avec 4 prisonniers qui après avoir appris d'eux même le fonctionnement du système juridique ainsi que le droit, ont été nommés assistants juridiques pour les autres prisonniers. Ils sont payés 20 centimes de l'heure, pour un maximum de 40 heures par semaines, soit8$ par semaine. En réalité, ils sont dévoués à leur travail plus de 15 heures par jour, 7 jours sur 7. Ils passent leur vie dans cette bibliothèque de droit, et tentent de défendre des cas que personne ne veut défendre ici: appel criminel, accident au sein de la prison, divorce, héritage... Ils nous expliquent comment ils doivent se battre pour gagner la crédibilité que nous avons d'office et qu'ils n'ont pas devant les juges en travaillant deux fois plus que nous afin de rendre des conclusions plus que parfaites. Ils nous racontent comment les avocats commis d'office ne font pas ce travail là, et sont malheureusement responsables de l'emprisonnement de nombreux innocents. Ils nous assurent que 10 années derrière les barreaux changent un homme, et que cela suffit amplement. Ils nous demandent de faire notre métier avec passion, afin de le faire le mieux possible. Ils nous parlent de leurs victoires devant les tribunaux, coupures de presse à l'appui, affichées sur le tableau de la bibliothèque et on sent que ces victoires ont demandé des heures et des heures de travail. Ils nous parlent aussi des problèmes de rétroactivité de la loi, de nouvelles réformes dont personnes parmis nous n'a connaissance...et nous réalisons à quel point un diplôme ne vaut rien. Ces hommes n'ont pas de diplômes, ils ne seront sûrement jamais avocats, personne ne leur financera la fac de droit, et puis de toute façon, qui sait si un jour ils sortiront? Mais quand ils parlent de leurs batailles juridiques, on sait de suite qu'ils sont parmis les meilleurs avocats de cet Etat, et que leur maîtrise du système est même enviée par les autres avocats. Alors quand en plus ils nous expliquent qu'ils n'ont que 4 ordinateurs reliés à une des bases juridiques dont je vous avais parlé il y a quelques mois, je suis choquée. Etre la cible d'une bataille marketing est une chose, mais réaliser que sans le vouloir, et sans même en avoir besoin on dispose de dix fois plus que des personnes qui manquent cruellement de ressources juridiques m'écoeure. A moi toute seule, j'ai accès à deux énormes bases de données en ligne, avec impression illimitée de tous les documents gratuitement. A Angola, pour 5,000 prisonniers, ils ont 4 ordinateurs, une base de données sur CDROM, donc non mise à jour, et chaque impression d'un arrêt a un coût qu'il faut limiter au maximum. Ne cherchez pas la logique.
Je retiens tout de même que notre guide reste silencieux dans un coin, il n'intervient pas, il ne guide ni les questions, ni les réponses, il laisse la parole à ces hommes, il leur fait confiance. J'apprécie ce moment de partage direct.
Nous quittons ensuite le quartier général pour entrer dans le quartier disciplinaire. Là sont enfermés les prisonniers dont le comportement est jugé dangereux. La disposition des cellules est similaires à celles des condamnés à mort. De même on nous fait marcher le long des cellules...même ambiance lourde que précédement. Seule différence, à titre de punition, ces condamnés là n'ont pas droit au même repas que les autres. Enfin si, le menu est le même mais les aliments sont mixés tous ensembles et frits pour ressembler à un espèce de cube dégueulasse qui aujourd'hui comprenait donc des pates, du pain et des haricots...J'aime ce genre de traitement inhumain..

On arrive ensuite à un jolie maison en bois. Devant la maison, sont parqués de nombreux bâteaux. Le territoire de la prison est bordé sur trois côtés par le Mississippi, en cas d'évasion il est donc nécessaire de pouvoir contrôler les eaux. Sur la coque d'un des bâteau, le nom en dit plus qu'il n'en faut: " Got Ya" (je t'ai eu).
On nous sert ensuite à déjeuner. C'est la grande classe: service à table par des prisonniers...là sérieux je me sens mal...Mais bon, j'essaye de me souvenir des remarques du guide: "les meilleurs trustees (les condamnés auxquel on fait confiance et à qui on accorde le plus de liberté) sont des tueurs, parce que le meurtre est un acte de passion, un acte unique, tandis que le vol est organisé". Tout va bien, un meurtrier est en train de me servir une tarte aux fraises...respire Claire...respire....
Puis quelques minutes de détente sur la terrasse au soleil dans les rocking chairs fabriquées par les prisonniers.Qui aurait imaginé un jour "to rock in a prison"...
Une fois le ventre bien rempli on passe devant l'élevage de chiens, utilisés en cas d'évasion, mais également pour chercher de la drogue. Enfin, si j'ai bien compris, ce ne sont pas vraiment des chiens. Ce sont plutôt des loups, alors attention au derrière..

Bref, c'est toujours un peu difficile à concevoir quand on a été élevée dans un pays laïc, mais c'est tout simplement normal aux Etats-Unis.

Puis on passe devant les bâtiments agricoles, les champs à perte de vue. Les prisonniers cultivent les fruits et légumes et céréales dont ils ont besoin, ils sont payés 2 centimes de l'heure.... Ils élèvent aussi du bétail. Mais étant donné qu'une loi de Louisiana interdit aux prisonniers de manger de la viande de boeuf "premier choix", les animaux d'Angola sont vendus à l'extérieur, et le produit de la vente est utilisé pour racheter de la viande de mauvaise qualité. No comment..


PS: non, j'ai pas vu Michael...il paraît qu'il est à Panama...
10 commentaires:
je suis dg, j'ai écrit un beau et long mail hier et j'ai l'impression qu'il n'est pas passé ...
je suis triste
philou
il est minuit j'ai lu ta vivite a la prison d'angola ,c'est tres triste pour ma cherie ,j'ai essayer de t'appeler au telephone ,je n'ai pas reussie a t'avoir ,,gros bisous mamy
Ton récit est vraiment impressionant... Je le lisais ce matin en cours de droit des sociétés... Ca m'a fait complètement décroché de ma reverse triangular merger...
(J'espère que cette fois mon commentaire va être publié... Ca fait mille fois que j'essaye et que ca marche pas...)
Ha ben ca y est ca marche quand je choisi anonyme...
J'ai juste oublié de préciser que c'était Charlotte !!!
Woua la blonde...!
Plein de bisous Clairette!
Coucou à tous, désolée pour les bugs dans les commentaires. Je sais pas ce qui se passe, c'est ça le problème de faire confiance à google...grrrrrr
Bonjour ma Claire,
C'est pas du blog ça, c'est du journalisme ! Félicitations pour avoir su voir et percevoir autant de choses. Félicitations pour la façon dont tu nous le retranscris.
Papou
impressionnant ...vraiment énorme ...
blog tjs aussi cool
chris
J'espere que ca t'orienteras vers la defence de ceux qui en ont besoin, pas vers la conquete de gros contrats juteux ou tu fais vendre pour le moins cher possible en toute legalite des marchandises realisees par des petits chinois de 10/12 ans...
Bonjour , j'ai vu un documentaire sur la prison d'angola, et j'aimerais avoir l'adresse de la prison pour pouvoir ecrire à un d"tenu qui m'a beaucoup toucher dans ce docs, si quelqun a ladresse sa serait trés sympa de me la faire passe , merci et à bientôt
Bonjour et merci pour ton exposé très interessant sur la situation d'une prison américaine, qui permet d'essayer de faire un peu de "droit comparé"avec nos prisons françaises! Sais tu si les détenus peuvent bénéficier de libération conditionnelle ou meme de permission de sortir? Sais tu quel est le financement?
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